Conspiration du réel

Voilà un poète par lequel on regarde le monde, une fenêtre donc. Grégory Rateau nous offre son recueil de poésie, Conspiration du réel. C’est un catalogue. Comme un peintre figuratif, attentif, il offre sa collection de tableaux. Il peint comme un novelliste, comme un diariste, comme un épistolier. Les morceaux de vie décrits avec la précision, la délicatesse, et l’obstination des morsures, font de nous des promeneurs mélancoliques, en proie au vertige. C’est toujours comme ça, quand on lit un poète, on se prend pour un poète, on épouse sa solitude. « Sentir cette petite solitude de groupe / cette fraternité de pourboires / sur le chemin rancunier du retour à soi. » Le regard de Grégory Rateau se porte souvent sur la vieillesse, non comme un avenir mais comme un sanctuaire. Aussi ses poèmes servent-ils à thésauriser de la vie, transformer certains moments en trésor. Il ne détourne pas le réel pour un faire un concept poétique, non, il l’épouse. De ses épousailles nait une lumière lointaine et timide. Il décrit ce qu’il voit. Comme un Jacques Brel avec le Port d’Amsterdam. Et ce qu’il voit est transformé en épiphanies. Conspiration du réel est une carte postale d’un poète qui prête âme à tout. Ses mots sont des aveux qui abolissent tout le jeu, c’est parce qu’il ne peut plus être dupe de rien ni de lui-même qu’il écrit. A partir de là, le combat de l’homme mis à nu est possible pour manifester la vie :

« Abattre les voiles
me dresser face au réel

déjouer
cette conspiration
les proches, les envieux, les faux-amis

Fureur contre ce siècle qui monnaye le temps
contre la houle qui fige mon sang
ma jeunesse pétrifiée
coule à pic »