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Delvolvé : La parole est un don de soi

Delvolvé : La parole est un don de soi

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Exorde, problématique, narration des faits, démonstration, réfutation, conclusion, péroraison. Ce sont là les sept points du discours classique et ils n’ont pas vieilli. La rhétorique et les figures de l’éloquence classique constituent toujours un fabuleux héritage pour les jeunes générations. L’avocat Laurent Delvolvé, enseignant en plaidoiries, nous offre un petit manuel roboratif intitulé La parole est un don de soi. Dans ce titre, les mots « don » et « soi » sont soulignés et complétés de la locution L’art de parler en public. Une lecture à conseiller à tous les jeunes pour qu’ils utilisent mieux leur parole, aient confiance en eux et dans les autres, soient fervents apôtres de la féconde rencontre avec autrui qui se tisse toujours au départ grâce à quelques mots simples.

Dans l’Evangile de Saint Jean 1, 1-14 : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. […] Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. » Dans la lettre de Saint Paul aux Ephésiens 4, 25-29 : « De votre bouche ne doit sortir aucun mauvais propos, mais plutôt toute bonne parole capable d’édifier, quand il le faut, et de faire du bien à ceux qui l’entendent. » Notre chronique pourrait s’arrêter après ces deux fulgurances extraites de la Bible parce qu’elles peuvent servir de viatique, mais allons un peu plus loin.

Il y a une manière chrétienne de prendre la parole, affirme notre auteur. Y aurait-il, en outre, une forme de grandeur chez l’orateur parce qu’il serait chrétien ? La foi catholique, la prière et l’invocation de l’esprit saint confèrent une dimension particulière à la parole, aux mots prononcés. Leur authenticité peut toucher, séduire, émouvoir, convaincre, comprendre, rassurer, consoler, relever, nouer une véritable relation avec autrui. Lévinas avait son « après vous » pour définir la civilisation en tant que multiplicité de rencontres toutes sacrées, soucieuses de discrets effacements pour offrir la meilleure place à l’autre. Oui, l’homme est sacré, rappelons-le opportunément à notre époque, il l’est d’autant plus qu’il se pare, dans ses échanges, des valeurs de l’humilité et de la magnanimité, du don, de l’altruisme bienfaisant.

Delvolvé conçoit son ouvrage comme un vade-mecum didactique, concret, aussi interroge-t-il tout au long : « Ai-je conscience que le Verbe de Dieu a précédé toute parole ? » ; « Ai-je conscience que je peux établir un lien entre mes pauvres paroles et le Verbe de Dieu ? Seigneur, toi qui es le Verbe incarné, fais que mes paroles soient fondées sur toi, Verbe fait chair. » ; « Ai-je conscience que, par ma parole, je me mets au service du Créateur ? Que, ce faisant, ma parole peut être créatrice ? » ; « Ai-je pris le temps de prier avant de parler ? J’inscris sur mon agenda les plages de temps que je vais consacrer, dans la prière, à mon intervention. » ; « Une idée : aller à la messe, spécialement avant une intervention, afin de confier au Seigneur, de façon spécifique, cette prise de parole. » Cette certitude que Dieu est notre meilleur ami et allié se double de l’impératif du commandement : « Tu aimeras le prochain comme toi-même. », et notre avocat de renchérir : « Pour vous qui allez bientôt prendre la parole en public : ai-je conscience que ma parole est l’instrument de la rencontre ? » ; « Me suis-je rappelé avant de parler que le plus important n’est pas d’abord ce que j’ai à dire, mais bien les auditeurs ? »

Ainsi convaincus de la valeur sacrée de notre interlocuteur, il nous faut nous adresser à l’unité de la personne dans toutes ses composantes :

  • parler à la tête - le logos - en insistant sur le contenu verbal du message, son art littéraire et sa logique, la raison.
  • parler au cœur - le pathos - en appuyant sur les caractéristiques émotionnelles du message, en usant de passion et de ferveur.
  • parler avec tout son caractère - l’ethos -, aspect le plus marquant de la persuasion, selon Aristote, adéquation perceptible entre la richesse intérieure de l’orateur que nous sommes et le discours délivré.

Le Christ s’exprimait en paraboles, usant de métaphores et images fortes, cherchant à frapper les esprits de ses enseignements. A notre tour de nous demander : « Ai-je mis suffisamment de couleurs, de vie, de concret dans mon discours ? » Pas pour la performance intrinsèque, mais pour l’autre. « Après vous ! »


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