Des nouvelles d’Antoine Blondin
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Il y a 100 ans, Antoine Blondin pointait son nez dans le monde et nous pouvons encore aujourd’hui vous donner de ses nouvelles. Il suffit de le lire. Si on se souvient de son goût pour les récits courts notamment pour transformer le tour de France en aventure, il nous faut également relire ses nouvelles. Quat’saisons est un recueil de 12 nouvelles inégalement réparties dans quatre parties portant le nom des saisons, rangées en désordre, Hiver, Automne, Eté et Printemps. Ces Quat’saisons forment donc un bouquet, un pot-pourri, un florilège où les bons mots de Blondin viennent pétiller généreusement autour de personnages à la banalité et à la folie attachantes. Le recueil reçut le prix Goncourt de la nouvelle en 1975.
Avec Blondin, on retrouve l’art du conteur en société. Il capte l’attention, ménage ses effets. On savoure par avance chaque phrase. Comme un Barbey, Blondin a l’art de la mise en bouche et nous salivons. « Cette année-là, M. Combret était particulièrement célibataire et vieux. » ou bien « Je la regardais, en marche vers la tragédie. (…) elle s’acheminait vers un fait divers intime. » Il commence toujours par planter le décor : une province, un faubourg. Le décor se fait corps sociologique, vulgaire écrin où vont se mêler ordinaire et folie. Après une peinture de la société du moment, il se vautre tout contre ses personnages avec une tendresse ironique pour cueillir tout le pathétique humain.
Dans les moteurs de la narration de Blondin, on trouve le quiproquo, l’erreur d’aiguillage, la dérision, l’autodérision. Il croque la situation avec un mordant généreux : « Enorme scarabée, portant en soi-même le charnier où il s’alimente, elle se renversa sur le dos et accueillit Lucien. » Chaque vie dérisoire mérite bien une nouvelle si on y réfléchit bien. Dans Petite musique d'une nuit, les voisins qui se plaignaient du cliquetis de la machine à écrire de l’employé de compagnie d'assurance finissent par n’entendre que musiques de Noël sous ses doigts. Ailleurs, on trouve une actrice ex-star du cinéma muet en fin de vie pour qui on trafique les actualités et le calendrier jusqu’à célébrer Noël en automne pour adoucir sa fin. Deux nouvelles se moquent des écrivains et l’on goûte cette scène où trois écrivains se retrouvent à prier la veille d’un prix littéraire. Des ex-voto présents dans l’église manifestent la gratitude de orgueilleux qui les ont précédés. On trouve même un certain Marcel P. se réjouissant d’avoir retrouvé ce qu’il avait perdu sous la statue de saint Antoine de Padoue.
On peut penser que les nouvelles écrites à la première personne sont sans doute les meilleures. Pour le printemps, Blondin s’imagine en Cyrano de l’espace, le spationaute écrit une lettre d’amour à l’invisible fiancée terrestre de son collègue. La dernière nouvelle semble résumer l’ambition du novelliste : avoir la bouche pleine d’histoires, assumer ce petit quelque chose du mythomane
Quat’saisons, nouvelles d’Antoine Blondin, La petite vermillon, 282 pages, 8,5€
Texte publié dans Le Bien commun n°41 de juin