Laurent Pépin contre les briseurs de rêves
Livres Mauvaise Nouvelle https://www.mauvaisenouvelle.fr 600 300 https://www.mauvaisenouvelle.fr/img/logo.pngLaurent Pépin contre les briseurs de rêves
Notre raison est mise à l’épreuve à cause de Laurent Pépin. Avec Clapotille, il bascule totalement dans le conte pour adulte. Plus on chemine, plus notre surprise se transforme en inquiétude car nous finissons par être épousés par tout l’univers du conte. Au début on s’échine à trouver la signification et dévoilant la force symbolique de chaque élément, on voudrait les réduire au concept. Et plus on entre dans l’histoire, plus les questions se démultiplient. Plus on avance, plus le mystère s’épaissit. Il faut aimer se perdre en lecture. Laurent Pépin ne nous appelle pas à comprendre mais à contempler. L’enjeu est tout de même d’être soigné, consolé, rétabli dans notre être.
Clapotille est l’enfant mort-né de la compagne morte du narrateur. Clapotille sort des limbes pour vivre dans l’imaginaire du narrateur qui en a dessiné les traits sur le sable enneigé. Clapotille agit comme un saint innocent, comme un ange gardien, elle a des pouvoirs magiques, elle fabrique des rêves et les distribuent, elle guérie en posant une larme ou un baiser sur le front de son père. Et le père a bien besoin d’être guéri car il a contracté des monstres depuis l’enfance : l’Homme-bête, le Taxidermiste, le Démuni, le Monstre de la caverne, ou encore l’Amour-en-famille. Il s’interroge : « Combien de temps encore pourrai-je la sauver de moi-même ? »
Si les rêves sont omniprésents dans ce conte, c’est qu’ils sont les pansements des souvenirs. Quoi transmettre à une enfant si on n’a plus de souvenirs, si on ne rêve plus que d’en avoir ? Laurent pépin révèle ici, une fois de plus, que la capacité à se raconter des histoires est la seule condition de survie de l'humain, qui est par nature inadapté au monde. Il faut qu’il s’invente l’histoire dont il est le héros pour vivre. Et pourtant, il y a désormais des briseurs de rêves à tous les coins de rues… Retenons comme diagnostic central du livre cette sentence prononcée par Clapotille : « Quand les rêves sont brisés, les gens sont tristes. Alors il faut les aider à se souvenir. Mais la plupart du temps, on n’y arrive pas, parce qu’ils sont contents que leurs rêves soient brisés. Comme ça, ils ont le droit de détester les autres, de leur faire du mal, et ce n’est même pas leur faute. »
Clapotille clôt une trilogie commencée par Monstrueuse féerie et L’angelus des ogres. Nous naviguons entre rêve et cauchemar, émerveillement et terreur. Il y est question des relations parents-enfants bien sûr, des monstres qui contaminent notre vie intérieure jusqu’à la folie, des soins que l’on peut s’apporter mutuellement… « On a toutes les réponses dans les contes. »
Clapotille, conte de Laurent Pépin, Ed. Fables fertiles, 128 pages 17,50€