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Le Pas de la Demi-Lune

Le Pas de la Demi-Lune

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Le dernier roman de David Bosc, Le Pas de la Demi-Lune a de bonnes chances de vous faire perdre tout repère et de déclencher en vous des désirs de repli et d’exclusion de la course du monde. Cela se passe peut-être à Marseille, une Marseille réinventée, Marseille telle qu’elle serait en étant le fruit de notre imagination. La topographie toute particulière est là, des souvenirs comme venus du futur s’y collent. Des éléments évoquent une sorte de Japon médiéval, on dirait que nous sommes dans un possible futur post-apocalypse, un temps où l’on peut réinventer les mythes. Marseille n’a pas le même nom, on dit Mahashima, mais on retrouve l’Estaque, les ports, et de l’autre côté Luminy, le Mont Rose, les mêmes collines, la chaîne de l’Etoile et Legũdo (les Goudes). La mer est comme un personnage qui veille, que l’on devine au travers d’une rumeur et de la déchirure opérée sur les roches

Sur cette terre étrange, « Le monde connu se simplifia. » Nous sommes dans le temps de l’après : après l’empereur, après les événements révolutionnaires, après le départ de l’empereur et le déplacement de la capitale ailleurs. La ville a été abandonnée par les puissants. « Les très riches sont partis. Notre pauvreté nous protège. » Le héros décide d’aller voir ce qui se passe au bout du monde, aux Goudes, à la Callelongue, et dans son voyage initiatique comme à rebours, il revit ce que fut la ville, ce qu’ont connu les gens aux travers des heurts et la promesse actuelle. Il s’agit d’« aller et ne plus circuler ». Son chemin est fait de rencontres. Des gens qui se contentent de vivre en marge de la fiction de l’Histoire, de la marche du monde. « Que la ville soit aux mains de l’empereur ou d’un petit caïd, qu’elle fasse la noce ou la révolution, nous, on est toujours là, on est un peu à l’écart. » On épouse avec tendresse la réalité du peuple de civils.

Aujourd’hui, les habitants vivent dans les ruines d’un monde. Il ne faut pas s’en plaindre, c’est peut-être mieux ainsi. « A Mahashima, il n’y a plus aucun titre de propriété. » Des bidonvilles sont installés dans les calanques comme c’est leur place depuis toujours, un cabanon pour chacun et le monde sera en paix… Si nous avons le sentiment que David Bosc nous fait la description picturale d’une utopie, il faut tout de suite évacuer les folies destructrices, l’utopie de David Bosc est une utopie non dupe de l’utopie. « Les habitants de Mahashima ne tombaient plus dans la très vieille erreur qui consiste à attendre des enfants qu’ils remettent le monde à l’endroit. » Là-bas, dans le chemin vers Les Goudes, on trouve une colline où l’on dépose les morts pour qu’ils disparaissent, et puis soudain, comme au bout du chemin, le ravivement des anciennes couleurs, « Les vieux arbustes ont un parfum nouveau, la même vieille lune est toute neuve, le monde est beau. » Nous lisons et nos vacances s’éternisent, la fin de l’été se prolonge comme la fin du jour, le temps dure enfin longtemps, dans ce sud, après la guerre.

Ce roman initiatique de David Bosc nous évoque ces romans qui firent des hommes pour toute leur vie : Les falaises de marbre, Le Rivage des Syrtes, Siddhârta,… Voilà une lecture qui incite à s’abandonner, à se dépouiller de l’être social, à s’installer durablement dans un présent d’éternité, à savoir cueillir les épiphanies. « Il n’y a lendemains qui chantent que si on se met à chanter. » Alors chantons et dansons comme Noé retrouvant la terre après le déluge, comme Noé ivre et tout nu devant la promesse accomplie par son créateur. « Le déluge et l’ébranlement de fin du monde (…) sont peut-être le véritable aspect de la Terre promise. »

Le Pas de la Demi-Lune, David Bosc, Ed. Verdier, 2022, 192 pages, 17€
‌Article publié une première fois dans Le Bien Commun


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