Onfray, l’homme qui avait toujours raison
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Retour sur l’essai historique Vies parallèles, De Gaulle et Mitterrand
Le fameux philosophe auteur du traité d’a-théologie, devenu mascotte d’une réacosphère scrupuleuse dans la production de raisonnements, nous livre aujourd’hui un essai sur De Gaulle et Mitterrand. En guise d’essai, il nous livre en fait dans un seul volume, 3 livres.
Onfray ou le 3 en 1 : Un pamphlet + une hagiographie + un précis de politique
Premièrement, Onfray nous offre un pamphlet anti-Mitterrand absolument jouissif. Il a fouiné dans la vie méprisable du meilleur élève de Machiavel et nous nous régalons des détails sordides de celui qui permit que l’expression du tout à l’égo soit totalement appropriée. Rien de bon dans ce triste sire. Mensonge, crime, manipulation, trahison, … Très utile à l’heure où par contraste avec les nuls qui lui ont succédé à la tête de l’Etat, certains lui trouvent des qualités comme celle d’avoir été un lettré. Comme si parler la bouche remplie de salive et de fiel était un gage de culture. Très utile à l’heure où certains admirent le tacticien… Onfray est un moraliste, et c’est parfois essentiel d’en revenir au bien et au mal pour éviter d’être fasciné par l’ordure.
Deuxièmement, Onfray nous livre une hagiographie de De Gaulle. Mauriac n’a qu’à bien se tenir, il se voit doublé dans la tombe même. Onfray s’affiche en grand fan, non, en adorateur du général ! Il pêche par excès. Tous les défauts de Mitterrand sont traduits en vertus gaulliennes. Il en fait littéralement un saint ! Tout ce qui est excessif est pourtant insignifiant. Exit son rôle dans l’épuration et le sauf-conduit donné aux communistes et leurs tribunaux révolutionnaires, exit les barbouzeries de déstabilisation pendant 10 ans pour revenir au pouvoir, exit les Harkis, le massacre de la rue d’Isly avec l’ordre donné aux militaires français de tirer sur des civils français désarmés, et même exit le 17 octobre 1961 tant chéri par la gauche ! Il reproche donc à Mitterrand son Bousquet sans rien dire sur le Papon de l’autre. C’est facile de tisser les liens de causalité que l’on désire. Onfray n’est pas historien, il n’est que philosophe, il se fiche donc d’être honnête, son seul argument est l’abus d’autorité. Je me souviens il y a quelques années, du temps de sa gloire à France Culture avec son université populaire, l’avoir entendu avouer qu’il venait de découvrir le Contre Celse (traité polémique composé en grec par Origène, théologien et Père de l'Église, vers 248, visant à réfuter un ouvrage du philosophe païen Celse, intitulé Discours véritable contre les chrétiens) qui est le document historique qui amena la preuve inéluctable de l’existence du Christ. Venant de le découvrir, il s’avouait étonné, intéressé, etc. lui qui avait produit la thèse des années auparavant que Jésus était une fiction. Il a bien le droit de se tromper puisqu’il n’est ni historien, ni théologien, ni… juste philosophe… Certes la philosophie est la mère de toutes les sciences, cependant, cela ne fait pas du philosophe quelqu’un d’omniscient. Mais revenons à l’objet de son admiration fanatique, De Gaulle. Attention ! Ne vous y trompez pas amis gaullistes, gaulliens ou autres gaullards, ce n’est pas Onfray qui est devenu gaulliste, mais De Gaulle que Onfray révèle en onfrayen ou onfrayiste ou onfrayard… La pensée du philosophe est ainsi faite, nous y reviendrons. Trouver dans un seul volume hagiographie et pamphlet provoque presque l’hilarité, c’est osé. Heureusement que nos agacements devant la louange faite à De Gaulle est vite calmée par le talent à dézinguer le pire de tous, Mitterrand.
Troisièmement, Onfray nous offre une sorte de précis sur la pensée politique. Il s’agit là sans doute de la partie la plus intéressante, car instructive, de son livre. De quelle pensée s’agit-il ? Celle de De Gaulle bien sûr, celle de Proudhon aussi, Bergson est évoqué également. De quoi donner envie de lui commander pour les éditions Nouvelle Marge un petit dictionnaire gaullien ou proudhonien. Dans un monde où on n’élit plus que des managers de la nation, où les modes de management ont envahi toutes les organisations, revenir à la politique peut être salutaire et peut nous permettre de bénéficier, nous pouvons rêver, d’une vision !
Onfray a toujours raison depuis toujours
Vies parallèles, De Gaulle et Mitterrand nous révèle une fois de plus le fonctionnement de la machine à penser Onfray. Le brillant orateur, maître de dialectique, pédagogue drapé d’autorité, rebelle exemplaire, s’arrange toujours pour détourner toute information au profit de son immuable pensée.
L’évolution d’Onfray nous a tous fascinés, nous les réacs de l’avant-dernière heure, il est vrai que sa lente évolution nous fit parfois penser à Microcosmos, ce film où l’on voyait la vie végétale s’épanouir devant nous. Il se rapproche de Zemmour, oui, un centimètre de plus, c’est épatant, l’ex homme de gauche critique Mélenchon, c’est exceptionnel, il fait un pas de côté et critique l’Eglise catholique et enfin fonce droit devant sur 10 cm dans la critique du multiculturalisme… C’est ainsi que le début du livre Vies parallèles, De Gaulle et Mitterrand est assez jouissif, on se croirait dans Historiquement correct de Sevillia : oui la gauche fut aussi collabo ; oui, le colonialisme est une idée de gauche ; non la droite n’est pas collabo, etc. C’est beau à voir un philosophe qui pense. Mais on ne peut bien le goûter qu’en mode accéléré, et puis la vie est courte, on voudrait juste savoir si à la fin Onfray demande le baptême ou se contente de surfer là où les autres philosophes le laissent surfer, histoire que chacun cultive sa niche.
En réalité, le philosophe n’a pas bougé d’un iota. Tout ce qu’il apprend est détourné pour justifier ce qu’il pensait ou croyait penser. Tout ce qu’il étudie est destiné à s’abîmer dans sa logique, conforter une thèse. On croit que Onfray évolue, en réalité, comme tout philosophe, il est maître des définitions et s’arrange donc pour redéfinir les concepts et la réalité, pour que cela vienne confirmer sa thèse première. On croit l’entendre dire, derrière chacun de ses propos empreints d’un abus de l’argument d’autorité, « Vous avez désormais la preuve que j’avais bien raison de penser ce que je pensais. »
Sa pensée est très simple. Elle se résume à 3 cases et basta. 3 cases dans lesquelles vous êtes priés d’entrer si vous ne voulez pas qu’il vous y mette de force.
- Un, la case judéo-chrétienne qui correspond au monde ancien, réactionnaire disparu, construit sur la fameuse fiction de Jésus-Christ, rappelons-le. Ainsi, si Mitterrand est un salaud, c’est quand même à cause de son ancrage dans la droite catholique. Merci, mais nous n’avons pas demandé à récupérer l’ancien président socialiste. Et si la gauche se trompe, c’est parce qu’elle n’est pas de gauche, et si la droite a raison, c’est en fait parce qu’elle est une gauche qui s’ignore.
- Deux, la case du matérialisme où toutes les impasses idéologiques se retrouvent, et en premier lieu, le communisme et le capitalisme. Et même si le philosophe eut des compagnons de route dans toutes les amicales du progressisme, il n’est jamais temps pour lui de faire amende honorable et avouer s’être fourvoyé, non, il suffit de dire que ceux qui avaient été d’accord avec lui l’ont été pour de mauvaises raisons. Que les choses soient claires, Onfray n’a rien à voir avec ces gens-là, pas plus qu’avec les réacs de la case 1, même s’ils partagent temporairement les mêmes points de vue.
- La troisième case est la sienne, celle du futur, du lendemain chantant jamais encore expérimenté, celle du troisième petit cochon, ni en paille, ni en bois. Elle est construite sur le roc, l’intelligence, la sienne. Dans cette case, c’est le règne du contrat, du libre arbitre, du socialisme à la française (jamais expérimenté), de la subsidiarité, de Proudhon, etc. C’est sa case, mais c’est aussi celle de De Gaulle bien sûr, puisqu’il a daigné lui laisser une petite place à ses côtés.
Bien sûr, au-delà de toutes ces critiques et ce sarcasme déployé, nous aurions bien envie souvent d’être d’accord avec lui. Avons-nous le droit de nous payer le luxe de critiquer Onfray ? Notre civilisation meurt, nous devrions plutôt serrer les rangs et sanctuariser ce qui peut l’être encore dans une sorte d’arche à léguer à nos descendants lointains. Mais il faudrait qu’il fasse des efforts aussi le philosophe, l’humilité ne fait pas de mal. Il reste seulement que l’on n’accepte pas vraiment le distingo entre la première et la dernière case, il reste que nous n’avons pas spécialement envie de jouer au jeu de répartition des hommes, des idées et de la culture entre ces trois cases. Nous sommes des gens trop sérieux pour nous amuser à philosopher ainsi. Finalement, il doit bien avoir peur cet homme pour ne chercher qu’à se conforter. Penser, c’est comme agir, c’est totalement lié à l’incarnation, c’est donc avant tout envisager avoir tort, être sûr que la vérité nous donnera tort.