Obregon : prophète en série
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Obregon : prophète en série
Après le succès de deux romans, Mort au peuple (éd. nouvelle Marge) et L’Orbe (éd. du verbe haut), Obregon s’est lancé en 2024-2025 dans une série ! Deux volumes intitulés OmegaTown aux éditions du Verbe haut nous hameçonnent. Ici, on bascule dans le cinéma : les ressorts narratifs nous évoquent pêle-mêle Reservoir Dogs, Orange Mécanique, Nikita ou Jason Bourne, le tout saupoudré d’un humour à la Bruce Willis.
Victor, le héros, après avoir fait la guerre en Asie centrale et après 20 ans de prison, revient à Paris. Dans ce Paris retrouvé, Victor est confronté à un vaste trucage civilisationnel, thème cher à Obregon : le réel a été remplacé. Ce monde d’après est celui où scientisme et occultisme sont main dans la main, ce qui est bien idéal pour installer une manipulation à grande échelle du bétail humain. À sa sortie, l’ex-tolard a accepté de vendre son cerveau comme on vend son âme aux monstres froids et autres officines paragouvernementales qui administrent toutes choses. On le dote d’une IA ectoplasmique appelée Doc et qui prend la forme holographique et charmante d’Ana Karina. Cette dernière interagit avec cynisme et componction avec notre héros.
Sa mission ? Espionner la famille Becker d’où partent des infos cruciales pour la sécurité des intérêts français. Zoé, la fille de la famille, apparaît comme la clé. Le travail de renseignement de Victor et de son IA-doc se concentre sur elle. Les activités de Zoé sur le web font froid dans le dos, elle monétise ses charmes et perversions dans la chambre des arts. Il s’agit là d’une sorte de boîte noire virtuelle de l’humanité, rassemblant toutes les atrocités du monde, un joyeux mélange de porno et de camp de concentration. Tout ça ne serait rien. Obregon rajoute des couches pour une bonne prise de tête et un vertige sans fin. Il y a en ville un porteur de peste qui propage la mort ; il y a une usine chimique qui explose à Pantin et pousse tout le monde au confinement ; il y a cette ambiance de guerre civile permanente avec feux de poubelle, viols, etc. histoire de fêter par épisodes la fin du monde… Cette dernière peut d’ailleurs être accélérée, car, depuis la guerre nucléaire dans le Pacifique en 2039, le soleil est détraqué et fait des éruptions de temps à autres, détraquant à son tour tout ce qui a des puces. Dans ce cauchemar, Victor ne sait plus qui donne les ordres, et finit par se demander si c’est lui qui observe ou lui qui est observé. Le lecteur que nous sommes s’inquiète et finit par douter de tout dans sa vie ordinaire.
En synthèse, l'obsession d’Obregon sur le remplacement du réel l'amène à mélanger joyeusement gnose et SF, à incorporer dans sa narration pamphlet et poésie. Voilà bien la première grande réussite de la génération Dantec.
OmegaTown, tomes 1 et 2, éd. Verbe haut, 25 €