Rodolphe Arfeuil et sa bibliothèque de combat
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Rodolphe Arfeuil, que nous connaissions précédemment dans ces pages sous le pseudonyme de Raouldebourges, vient de livrer le tome 2 de ses chroniques pour une révolution conservatrice, aux éditions Nouvelle Marge. Une occasion pour Mauvaise Nouvelle, pour mettre, l’espace d’un entretien, ce passeur sur le devant de la scène et voir ce que notre réactionnaire préféré a dans le ventre et derrière la tête.
Mauvaise Nouvelle : La couverture de ce nouveau volume des chroniques pour une révolution conservatrice est jaune… Doit-on y voir un clin d’œil au mouvement des gilets jaunes ? Ce mouvement vient il grossir le nombre de signes positifs que vous dites entrevoir dans votre avant-propos : Brexit, Manif pour tous, etc. ? Ce mouvement qui se traduit finalement par un slogan d’une pauvreté absolue, à savoir « davantage de pouvoir d’achat » peut-il s’inscrire dans une volonté de retour à l’enracinement et la verticalité ? N’est-il pas finalement que le soubresaut d’un monde où seul l’argent est roi ?
Rodolphe Arfeuil : Il faut bien comprendre que les besoins alimentaires sont les besoins fondamentaux de tout un chacun. Tant qu’ils ne sont pas comblés, on ne peut pas être réceptif à d’autres aspirations. Il est absolument anormal que les élites politiques de notre pays acceptent l’immense pauvreté matérielle (et donc spirituelle, mais le spirituel est un champ qui ne doit pas concerner les politiques) des vaincus de la mondialisation qui se trouvent dans la France rurale et péri-urbaine. Comment accepter le niveau de certaines pensions de retraite de personnes âgées isolées et mourant dans la désespérance ? Si vous ne prenez pas soin de vos compatriotes, vous n’êtes pas dignes de les représenter ou de les diriger ! Concernant votre deuxième point de la perte de transcendance de nos sociétés, Soljenitsyne avait alerté l’Occident lors de son discours d’Harvard mais il n’a pas été entendu. La question du rapport au transcendant constitue en soi un élément à reconstruire totalement. Priorité une : les questions financières et matérielles. Priorité deux : redonner de la consistance à la vie, privilégier le sens du beau et du vrai, replacer l’homme au sein du cosmos et l’inviter à sourire : Dieu existe et la vie est un miracle absolu. Pour ce deuxième enjeu, le rôle des corps intermédiaires, dont l’Eglise catholique, me semble absolument nécessaire pour accompagner les gens à retrouver leur identité. Il y a des facteurs d’espoir selon moi oui, il faut croire en l’homme de ce temps, malgré l’amoncellement des nuages noirs un peu partout.
MN : Vous étiez Raouldebourges, vous êtes devenu Rodolphe Arfeuil dans une espèce d’outing de réactionnaire. Comment et surtout pourquoi choisit-on un pseudo ? Et de la même façon quand et pourquoi choisit-on d’apparaître sous sa véritable identité ? (Cette question vous est posée directement par Rodolphe DUPUIS).
RA : Permettez-moi une réponse un peu cavalière : cet aspect des choses (du passage d’un pseudonyme à ma réelle identité) revêt un caractère anecdotique par rapport à l’ensemble de mon travail. Cependant, disons qu’il permet une sorte d’unification.
MN : Quel est le point commun entre les deux volumes des chroniques pour une révolution conservatrice ? Quelle différence y-a-t-il entre ces deux volumes ? Est-ce un travail perpétuel ? Ce travail aura-t-il une fin ? Et si oui, pour laisser place à quel autre travail ?
RA : Je commence par la fin de votre question pour vous dire sous forme de boutade que je ne vois pas de fin à ce travail que j’assimile volontiers à un combat de l’esprit ou des idées. L’aspiration profonde de nos sociétés à recouvrer une identité, une souveraineté, un retour aux racines ou « au village », loin de constituer un sombre retour aux « années les plus noires », marque au contraire une formidable opportunité dans l’histoire de remettre l’homme au cœur de tous les enjeux. Les politiques qui ne voient pas cela ne seront pas invités et resteront en quai de gare…. Cela est stimulant car tout ce qui peut concourir à ce mouvement a une grande utilité : les écrits notamment, puissamment diffusés par les réseaux sociaux. Pour ne pas éluder le dernier aspect de votre question, je pense que la forme du roman peut avoir un vrai impact pour contribuer à la Révolution conservatrice que j’appelle, vous le savez, de mes vœux.
MN : Parmi tous les auteurs que vous lisez, quel est votre auteur actuel préféré et pourquoi ?
RA : Éric Zemmour est sans conteste mon « maître ». Il fut l’un des précurseurs pour dénoncer les phénomènes de déconstruction et les analyser finement. Il est d’autre part d’un courage qui force l’admiration face aux attaques inouïes dont il fait l’objet. Enfin, c’est un bel écrivain, avec un style, une plume. Son incroyable succès éditorial (500 000 exemplaires vendus du Suicide Français ; je n’ai pas les derniers chiffres de Destin français qui marche très bien) est pour moi la preuve que la France demeure conservatrice, et que c’est là une chance. J’aimerais que Zemmour franchisse le pas de l’engagement en politique, mais c’est un autre sujet.
MN : Ecrire est-il agir ? Lire est-il agir ? Peut-on parler de bibliothèque de combat ?
RA : Ce terme de « bibliothèque de combat » est tout à fait approprié. Il est frappant de voir l’immense réservoir de talents que compte notre pays : romanciers, essayistes, historiens, géographes, polémistes dévoués à la cause conservatrice. Tous doivent mettre de côté d’éventuelles querelles de chapelle pour travailler ensemble à la restauration de l’identité française. C’est le sens de ce travail de bénédictin où je tente, modestement, de leur donner une meilleure audience, de les mettre en relation via le webzine Mauvaise Nouvelle, montrer qu’il y a convergence des combats.
MN : Tout réactionnaire semble nostalgique d’un temps qui n’a jamais réellement existé ; je vais vous demander un effort particulier, peut-être surhumain, mais qu’est-ce qui vous plait dans votre époque ?
RA : En 1930, Claudel disait : « L’affaire d’un catholique n’est jamais de maudire mais de comprendre, et de ne pas sacrifier un présent réel, qui a besoin de vous et qui du moins existe, à un passé plus ou moins chimérique qui n’existe plus et qui probablement n’a jamais existé. » Je nuancerais la fin de cet aphorisme : je crois aux « âges d’or » car ils ont bel et bien existé même si tout ne fut pas parfait, ni au XIIIème, ni au XVIIème siècle par exemple, pour citer deux grands siècles français. Je m’accorde en revanche sans difficulté à la dimension volontariste : le présent a besoin de nous. La vie est une grâce et un combat, j’en suis sûr. Et comme Fabrice Hadjadj, j’essaie de bénir le bon Dieu de m’avoir donné l’opportunité de vivre précisément en ce temps. Je prends tout, mais il y a un sacré boulot, il faut prier et se retrousser les manches pour nos compatriotes et pour nos enfants.