Le diktat de l'apparence
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L'apparence a toujours eu beaucoup d’importance dans toutes les sociétés humaines de toute éternité comme dirait Vialatte. C'est en effet ce que l'on remarque en premier chez une personne, le tout nuancé selon les critères de beauté de l'époque. En 2018, elle est devenue fondamentale au détriment de tout le reste. Peu importe les faiblesses de caractère, les carences intellectuelles ou culturelles, elle est au-dessus de tout le reste. Elle conditionne tous les comportements. C'est commun à tous les milieux politiques, y compris ceux se réclamant d'une droite dite politiquement incorrecte.
Affirmer que l'on ne supporte pas les gros parce qu'ils coûteraient cher à la communauté, n'est pas politiquement incorrect, c'est juste souscrire aux mêmes préjugés que tous les autres… C'est, il est vrai, un souci d'enfant gâté, un souci de riche. Les plus pauvres voudraient surtout manger, avoir un travail, un toit. Ils sont moins angoissés par leur look.
C'est pour moi toujours un crève-cœur d'observer ces jeunes filles, ces jeunes gens tellement mal dans leur peau au fond, tenter d'avoir la posture qu'il faut, prendre bien soin de mettre bien en avant leur gadget électronique dans les transports en commun ou dans la rue. Ils paraissent apprécier de ressembler à des photos publicitaires, feignant cette sur-affectivité dégoulinante de bons sentiments dès qu'ils croisent leurs connaissances…
Ce sont aussi les hommes qui finissent par s'échanger des conseils beauté comme leurs compagnes auparavant. Ils se harnachent de différents gadgets achetés un bon prix pour mesurer toutes leurs variables physiques, soucieux, angoissés au moindre battement de cœur en plus ou en moins que chez d'autres. Les hommes prennent soin d'eux comme des « cocottes » de l'ancien temps, ne cessent de s'auto-contempler dans la première vitre à leur portée leur donnant l'occasion de s’admirer.
Cette dictature de l'apparence s'accompagne d'un désir de standardisation de tout le monde. Il faut être totalement comme les autres, ou du moins comme ceux de sa « tribu », de sa « communauté », s'habiller comme les autres au risque de passer pour le caillou dans la chaussure, un insupportable trublion si l'on n'est pas tout à fait docile à la règle.
Parfois, cela n'empêche pas l'hypocrisie la plus abjecte. Alors que ce sont les bourgeois pédagogues électeurs de madame Hidalgo qui sont les plus soucieux du look, de l'image qu'ils renvoient, ceux-ci ont versé leur petite larme suite au lancement l'année dernière d'une campagne anti-grossophobie. Elle était sans doute pétrie de bonnes intentions sans rien de profond derrière. Par grossophobie, on sous-entend donc ce qui est parfaitement stupide que les gros seraient une race, un peuple, que les gros sont de la même famille…
Cette campagne prétend défendre les personnes en surpoids, les aider à mieux les intégrer dans des milieux dont ils sont déjà irrémédiablement exclus. Il est obligatoire chez les nantis de considérer son corps comme une machine que l'on entretient régulièrement, un mécanisme se devant d'être performant. C'est aussi une manière de se consoler de sa culpabilité ressentie à être privilégié matériellement. Un gros, une grosse ne sera jamais vraiment admis dans les cercles mondains, professionnellement son apparence comptera énormément dans l'appréciation de son travail.
On mettra son obésité sur le compte d'un mal-être sans que cela n'implique d'aller tenter de l'en soulager, de faire preuve de charité, et, ou d'altérité.
Le bourgeois pédagogue se dira qu'il est un nanti, une nantie, mais soucieux du monde :
« Et que je fais attention à ne pas trop manger, ne pas trop consommer de graisses sur-saturées voire je prétends défendre la planète en recommandant divers régimes alimentaires alternatifs… »
… Aux autres, à tous les autres !
Des mets, des boissons qui auparavant étaient universellement goûtés en France deviennent ainsi d'autres privilèges de nantis. On vend la viande dans des écrins comme des diamants, le bon pain est un luxe sans parler des fruits et légumes traités comme des joyaux, et bientôt aussi chers. Voire ! La « junk food » elle-même devient à la mode, et fleurissent un peu partout des « spots » à « hamburgers » et autres « hot dogs » vendus à prix d'or. On me rétorquera qu'au moins cela fera la fortune de commerçants malins, c'est déjà un point positif.