Gérald Engelvin, peintre de l’intérieur
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Là tout n’est qu’ordre, calme, luxe et volupté… écrivait Baudelaire. Et c’est ce vers qui vient immédiatement à la bouche lorsque l’on regarde les toiles de Gérald Engelvin d’où émane une véritable sérénité. Paradoxal sans doute de voir dans les scènes d’intérieur une invitation au voyage. Et pourtant, il nous semble bien partir, rejoindre un ermitage à notre image, loin des bavardages, loin de l’agitation, loin de notre chair. Au-dedans. Un voyage familier donc.
On ne peut pas passer à côté des toiles sans s’arrêter un moment, elles suspendent notre course et nous mettent spontanément en rêverie. Nous sommes saisis par la beauté, tout en restant libre. Il y a quelque chose de familier dans l’histoire que l’on commence à se raconter. Nous sommes comme invités chez nous, un lieu nous attendait donc. Et nous pouvons rester longtemps sans rien dire devant les tableaux de Gérald Engelvin, le temps nécessaire pour que cette jeune fille allongée sur la banquette finisse son livre, le temps nécessaire pour que cette autre finisse son rêve. Un temps infini donc.
Evoquer la peinture, c’est toujours être fasciné par les deux dimensions, le fait d’y convoquer un monde, le contenir. Renoncer à l’étalement doit conduire à scruter le fond. Rien n’est trompe-l’œil chez Gérald Engelvin, tout est ordonnancement. Il fait du mur premier qu’est la toile blanche, notre maison, notre intérieur, notre for-intérieur. Les masses de peintures s’organisent et nous laissent intrigués à perpétuité devant l’immuable. L’harmonie qui se dégage est évidente, presque totalitaire, elle nous englobe. C’est alors une source de joie immense. Nous avons la confirmation immédiate qu’elle existait et qu’elle nous est offerte. La grâce, quant à elle, tient à une infime touche de déséquilibre qui nous met en questionnement : l’enchaînement des pièces, leurs mise en abîme, le froissé d’une robe, un léger mouvement, l’expression d’un visage concentré ou en attente, l’inclination des têtes, l’origine d’une lumière rampante, l’impression d’une ombre planante… Parfois la mise en situation va jusqu’à poser une énigme. On aimerait descendre l’escalier qui se tord, s’approcher du miroir sans reflet, … remplir le vide. Cette énigme ne se résout qu’en abdiquant devant la poésie et la grâce. Il nous faut renoncer pour être incorporé.
A contempler ces intérieurs habités par l’enfance, on ressent malgré tout une certaine gravité en deçà de l’harmonie. Derrière l’invitation familière qui nous est faite à habiter les tableaux, on semble lire que ce qui nous est ainsi proposé ne va peut-être pas durer. Pire, ce temps est peut-être déjà passé… Qui sont ces enfants, de qui sont ces enfants ? Questions inutiles. Nous en étions. Nous faisions partie du tableau. Nous avons eu cet âge où il est possible d’insulter l’avenir. Il se réveille à mesure que nous nous taisons dans le long face à face avec la toile. La nostalgie est donc anticipée et incorporée à la sérénité présente. Ce moment d’éternité ne durera pas. On n’y tient que davantage et notre souffle contient tout l’attachement à la vie, on aime. On aime à nouveau. Les enfants solitaires, sages, rêveurs, les enfants dans leur monde, … semblent nous rappeler que l’âge adulte est un leurre. Nous pouvons y échapper en étant présent à l’intérieur de nos êtres. C’est ainsi que les intérieurs peints par Gérald Engelvin s’impriment en nous.