Rencontre avec Igor Bitman (1)
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C’est donc un village d’artiste, un hameau à Cachan. Un ensemble de bâtiments bleus mi maison-mi hangar. Les maisons d’artistes sont réparties au milieu des arbres. Igor Bitman vit là. En bas, c’est l’atelier. 5 m de haut, sans doute 6. Il donne sur un petit jardin étagé où quelques tomates jouent les prolongations après un bel été pour nous faire cultiver la nostalgie des barbecues et des mauvais rosés. J’y suis donc dans l’atelier, je ne sais pas où me mettre. C’est encombré et j’en rajoute. Je suis l’intrus au milieu de tous les objets, matériels, et tableaux. Igor me trouve un coin. Igor me trouve un café. Igor me trouve un fond de rhum à mettre dedans. Nous allons pouvoir commencer à prendre notre temps pour parler de l’art, de la création, de la peinture.
Igor Bitman, me voici donc dans son atelier. Les gens fantasment toujours sur les ateliers des peintres. C’est normal, le lieu de la création a toujours été l’objet d’une quête et la feuille blanche est tellement décevante au regard du bazar de l’atelier d’un peintre, un vrai marchand de couleurs ! Nous allons commencer cet entretien par un plongeon dans le temps. On se passera de la biographie du peintre, il y a Google pour ça. Non, je veux juste plonger avec lui dans la Renaissance, le Quattrocento. Ses toiles, dénuées de tout objet contemporain, proposent un ordonnancement, un équilibre propre à la Renaissance. Igor Bitman me confie effectivement avoir pris une gifle en arrivant en Italie après avoir été un peintre académique en Russie, lieu de son enfance, lieu où il a appris le dessin, le socle de son savoir-faire. Ainsi, la peinture d’Igor Bitman évoque les maîtres du Quattrocento par certaines citations, les éléments architecturaux, le sens de la composition, de la géométrie, pourtant il a un traitement très personnel de la couleur, notamment pour rendre présentes les chairs. Il manifeste au-delà de l’hommage rendu à la Renaissance un sens de la couleur très moderne. On sent que la révolution impressionniste notamment est passée par là avec ses ombres colorées. Igor s’explique : « J’ai connu un type de talent qui travaillait exactement comme au XVIème siècle, avec les mêmes outils, les mêmes toiles, les mêmes matériaux, les mêmes méthodes. Cela n’a pas de sens pour moi. Il y a quelque chose d’absurde selon moi dans cette imitation du passé. On ne peut pas ignorer ce qui a succédé à la peinture de la Renaissance quand bien même on reste fasciné par elle, on ne peut pas ignorer, ne serait-ce que Cézanne, Picasso, etc. Je crois que le mot de synthèse est bien choisi, oui ma peinture se voudrait celle de la synthèse, d’une synthèse. Mais tout ceci n’est que partiellement conscient. Je le constate. »
J’appartiens à une famille que je me suis choisie et avec laquelle je dialogue.
Hériter et transmettre. Encore et toujours. C’est la règle de l’humanité, la solidarité des générations qui se succèdent. Je lui expose à ce moment l’image de la gargouille, que j’affectionne particulièrement, qui représente l’artiste. Même si il n’y a aucune évolution ou progrès en art, on reçoit tout ce qui se déverse en nous et c’est en dégueulant que cela s’individue en nous et que nous transmettons. « Piero della Francesca, Balthus, Puvis de Chavanne, j’appartiens à une famille que je me suis choisie et avec laquelle je dialogue. Peindre est pour moi entretenir la conversation avec ces artistes à travers le temps. », confesse Igor.
Piero della Francesca - Fresques Vraie Croix & Procession de la reine de Saba
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La Montagne de Balthus
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Puvis de Chavanne - Le Rêve
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Igor Bitman dialogue avec Degas - Semiramis construisant Babylone
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Comment lui dire que je vois dans sa peinture un refus de la facilité, une réaction salutaire à une certaine peinture superficielle… J’ai peur que mon militantisme intellectuel ne salisse l’œuvre. Il s’inscrit dans une longue histoire. Peut-être est-ce intuitif, instinctif… Je réfléchis trop. Je devrais écouter, il parle, je note… Il aimerait m’expliquer le rapport entre l’âme et l’ordonnancement. « Au XIXème siècle, les peintres avaient coutume de faire des esquisses très précises avant la réalisation effective des tableaux. Et bien ces esquisses sont souvent magnifiques tandis que les tableaux sont ennuyeux. C’est que dans l’esquisse, nous avons accès au geste. Et il s’opérait une perte d’énergie lors de l’exécution de l’œuvre, qui était déjà copie. C’est ainsi que pour ma part, même si mes tableaux ne sont pas le fruit du hasard et sont ordonnés, mes esquisses sont minimales. Cela me conduit parfois à me tromper, à considérer que j’aurais dû positionner telle ou telle chose ailleurs, ce n’est pas grave, je recommence et le tableau est fait aussi de ces recommencements, il les incorpore. Quand je me dis "et si c’était à refaire…" et bien je le refais. » L’artiste est toujours à l’œuvre. Comme son père est à l’œuvre… je me dis dans ma tête.
http://galeriebarlier.fr/artistes/igor-bitman.html
Bitman : peinture ville
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Bitman : Motet d'hiver
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