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Guillaume Sire : la conversion du Minotaure

Guillaume Sire : la conversion du Minotaure

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Dans un long poème épique, Guillaume Sire nous présente la figure du Minotaure prisonnier d’un faux langage, comme nous le sommes dans notre monde sans plus aucune faille surnaturelle permettant d’échapper au slogan, à l’inversion des définitions, à la dialectique. La seule chose qui permet d’échapper au Dédale de la langue est la poésie, ce moment où les mots cessent de vouloir faire sens à tout prix pour se laisser contempler. Silence et lenteur sont les armes offertes par le poète. Armes bien nécessaires pour sortir d’« Un labyrinthe autour d’un labyrinthe autour d’un labyrinthe… »

Lenteur, enseigne-moi la charité. (…) Silence, renouvelle ma joie.

Alain Santacreu, dans un très beau texte intitulé Œdipe et Perceval, précisait qu’en hébreu, la racine sabakhah signifie « treillis », il en concluait que les paroles du Christ, Eloi Eloi Lama Sabachtani, devaient être traduites par : Mon dieu c’est quoi cette trame, pourquoi ce piège, pourquoi ce texte ? A travers ma lecture du poème de Guillaume Sire, j’ai immédiatement pensé à cette proposition contrelittéraire d’Alain Santacreu. Et Sire de s’exclamer : « Regardez ces phrases dans leur taffetas ! »
Le Minotaure et le poète nous disent « Je vivais dans le Monde Ancien lorsque Jésus fut crucifié. » Finalement, pour Guillaume Sire, toute mythologie préfigure dans sa métaphysique le Christ. Ne nous arrêtons pas aux Mythologiques épouvantails, l’objectif est bien de se réchauffer comme à un feu à l’énigme du Corps livré. Oui, le mystère se doit d’être cultivé car il est consolation. Il ne serait vraiment pas juste qu’il y ait une explication, une solution. Le chant de Guillaume Sire, qui est psalmodie aux quatre vents, à contre-courant, réchauffe et réjouit et renouvèle.

Comme il s’agit d’une jolie édition, il faut lire le recueil un couteau à la main pour couper les feuilles. Bénédiction ! C’est ainsi qu’il faudrait toujours lire de la poésie car elle est invitation au combat. La conversion du Minotaure est un chant du départ, d’un nouveau départ.

La profondeur revient, le labyrinthe est crevé, bientôt tout sera neuf : le couteau-papillon de Dieu est aiguisé…

Chez Sire, il y a du Michaux dans la volonté de tordre les mots pour les débarrasser des oripeaux de l’utilité, de l’idéologie, de la justification, de toute censure et autocensure, du mensonge.
Ô fleurs impudiques ! Suceuses de rosée ! Le silence est peinard. Il a son heure, son nuage…
Des insectes se promènent dans les pages et ce n’est pas avec notre couteau que l’on peut s’en débarrasser. Leurs morsures sont comme des rappels à l’ordre (et au désordre) vampiriques de la part de minuscules anges.

Le sang ne parle pas mais la parole a saigné.

Deux textes composent ce recueil : La conversion du minotaure et Mort de la paille. Ils sont comme deux temples ouverts aux quatre vents nous dit l’auteur. « J’avance, je n’ai rien mérité. » Pourtant, dans Mort de la paille, Ulysse rame à l’épaule, dans son ultime pérégrination solitaire finit par croiser l’homme qui porte sa croix pour sauver le monde.

La conversion du Minotaure, poésie de Guillaume Sire, éd. Fata Morgana, 104 pages, 21€


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