L’invention de soi selon Svetlana Pironko
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Svetlana Pironko, amoureuse de grands espaces et de littérature, autant dire faite pour l’évasion, nous livre Une heure avant la vie, roman édité par Le Passeur. Il prend la forme d’un roman initiatique d’une femme libre, d’une petite fille qui a l’intuition d’être faite pour la liberté. Et la narration de Svetlana Pironko évolue insensiblement au long des pages, d’abord naïve pour accompagner l’enfance qui a soif de curiosité, elle se drape petit à petit d’une lucidité aiguisée, manifeste d’une clairvoyance sur soi et le monde.
Nous découvrons en premier lieu une petite fille dans les bagages de ses parents dans de vastes pays étrangers. Elle pense avoir « Les parents les plus cools de l’univers ». L’enfance est le lieu des mille vies vécues. Chaque journée est une aventure. Luz participe à une chasse en safari, à un mariage nomade traditionnel… L’enfance d’une vie est toujours la conscience que le regard est fait pour la perte de vue, le lointain. Et nous découvrons le regard aiguisé de la petite fille, têtue dans sa curiosité même. Elle veut en être, elle veut participer à la vie de son père. Dès le début, la figure du père, toujours parti, représente en gésine le projet de vie de femme, elle va le rejoindre dans ce qu’il est, dans ce qu’il fait. Elle est faite pour l’aventure, la bougeotte, elle est faite pour vivre avec le père.
Cette petite fille fut bien trop intelligente pour se taire à l’âge adulte. Elle écrira en pensant que son sentiment de supériorité intellectuelle ne s’appuie sur aucun don… L’insolence mène à l’orgueil bien des fois. Il faut dire qu’elle avait accepté de manger de l’ours une fois ! Elle avait accepté de se forger un destin. Son affirmation de soi se transforme ainsi en une sorte de féminisme : elle ne veut pas être une « femme de ». Sergio, celui dont elle aurait pu être la femme, prophétise : « Tu seras malheureuse, Luz, parce que tu veux être libre. » Peut-être… Jamais femme de, elle restera la fille de son père, un courant d’air pour sa mère, un héros pour elle, toujours au loin et que la mort va définitivement exiler. « Ils sont pareils tous les deux. Ils sont des loups solitaires, lui et elle. » Un loup des steppes sans doute. Avec Une heure avant la vie, Svetlana Pironko nous offre le récit de la naissance d’une femme libre quoi qu’il en coûte. « L’invention de soi a été son unique activité créatrice. »
Une heure avant la vie, Svetlana Pironko, Ed. Le Passeur, 270 pages, 18€